Le porte-parole est viré car il a oublié de dire «La sécurité est notre priorité numéro 1»
Actualités, Transport 2 commentaires sur Le porte-parole est viré car il a oublié de dire «La sécurité est notre priorité numéro 1»Paris – C’est une fâcheuse mésaventure qui vient d’arriver à Tchang K., porte-parole de la compagnie aérienne chinoise China Dragon Express, lorsqu’il a appris qu’il venait d’être sanctionné puis licencié par la direction pour n’avoir pas respecté à la lettre le formalisme mis au point par les consultants en communication payés une fortune pour structurer les éléments de langage.
Plus question de nos jours de bafouiller quelques mots sans grande signification pour expliquer un incident survenu dans un avion, quelque soit sa gravité ou son importance. La presse et les passagers ont besoin d’entendre des paroles qui soient à la fois réconfortantes et l’expression d’un grand professionnalisme, aussi bien des principaux acteurs de la compagnie que de tout les personnels qui préparent les avions au sol et leur permettent de voler. Il est donc important de ne plus parler «d’accidents» mais d’un avion «qui ne répond et pour lequel nous mettons tout en œuvre pour faire la lumière sur ce retard inhabituel», le mot «victimes» ne doit plus être employé mais il y a lieu de dire «personnes actuellement secourues par les équipes envoyées sur place» et «lieu du crash» devient également «zone actuellement protégée pour être mise à la disposition des enquêteurs». Les termes «perte de contrôle par les pilotes» devront être bannis pour que soit dit à la place «nous attendons le résultat de l’analyse des boites noires qui ont été retrouvées et remises aux enquêteurs du … (insérer ici le nom de l’organisme)». De leur côté, les journalistes ont été également développé un dictionnaire de traductions où l’on peut lire que la phrase «nous ignorons encore les détails de l’accident» correspond à «quand ça va se savoir, ça va être le merdier» ou encore «l’avion était dans un parfait état technique» devient «jamais je n’aurais voulu voler avec une telle poubelle». Tchang K. connaissait à la perfection tout ce langage et savait immédiatement quelle phrase il devait utiliser face à une meute de journalistes à la recherche du moindre faux-pas. Il avait une longue expérience de la langue de bois et du double discours hermétique qui faisait regretter à son interlocuteur d’avoir posé une question trop précise. Mais peut-être ce jour-là, Tchang était-il fatigué ? Toujours est-il qu’il a commis une erreur de débutant. Alors que la conférence de presse se terminait, il a malencontreusement oublié de terminer avec la phrase obligatoire, celle qui marque bien que la recherche du profit n’est pas le but de la compagnie, celle qui permet de faire croire à tout le monde que le sort des «personnes actuellement secourues par les équipes envoyées sur place» est important. Il a oublié de dire «La sécurité est notre priorité numéro 1».
Le PDG de la compagnie l’a immédiatement désavoué et nommé un autre porte-parole. Tchang K. a été remercié, ou plutôt «il a été décidé d’un commun accord de mettre un terme à une collaboration fructueuse de plusieurs années et notre ancien porte-parole a souhaité prendre un peu de distance avec son ancien métier afin de développer un projet personnel qui lui tenait à cœur depuis fort longtemps».
2 commentaires
Lorsque j’annonce : « Mesdames, messieurs, nous allons effectuer un virage à 360° dans le plan vertical à inclinaison nulle », je ne constate aucun émoi. Comme quoi le langage est important.
🙂 , il n’était pas fatigué: il avait du temps à perdre qu’il volontairement passé au bureau. A quand le dictionnaire complet des catastrophes aériennes? Désolé, je me suis mal exprimé: à quand le dictionnaire l’amélioration des conditions de vol? En version « porte-parole-journaliste » / » journaliste-porte-parole ».