Meyzieu – Youssouf (le prénom a été changé..) ne décolère pas depuis quelques jours après qu’il ait appris que la grève des pilotes d’Air France allait l’empêcher, ainsi que deux de ses amis, de se rendre en Turquie puis en Syrie, afin de participer à un colloque humanitaire présenté par une organisation religieuse locale dont le but ultime est d’évangéliser pacifiquement tout le nord de l’Irak.

Youssouf et ses quatre amis s’étaient préparés dans le plus grand secret depuis des mois, fréquentant la mosquée souterraine de leur quartier et recevant l’enseignement d’un Iman venu spécialement d’Arabie Saoudite pour dispenser la bonne parole. Les billets d’avion avaient été achetés séparément, en liquide afin de ne pas attirer l’attention sur eux, les livres de prières avaient été discrètement dissimulés dans des boites de chaussures et les objets de culte démontés afin que les services de contrôle de police aux aéroports ne puissent saisir ces reliques saintes avant le grand départ. Les culasses avaient été enveloppées dans des chaussettes et les percuteurs délicatement introduits dans des tubes de dentifrice. Le vol Lyon vers Paris avant d’embarquer sur un appareil de Turkish Airlines pour rejoindre Antalya ne devait être qu’une formalité. Malheureusement, à cause de la grève des pilotes d’Air France, toute cette belle organisation a été mise en pièce et les messages postés sur Youtube, Facebook et Instagram avertissant du départ de la petite troupe étaient déjà publiés alors que ses cinq membres, les joyeux drilles, se retrouvaient bloqués à l’aéroport de Saint-Exupéry, comme des centaines d’autres passagers pris au piège. Toutefois, avec leur tee-shirt marqué du nom de leur groupe, Jeunesse Impliquée dans l’Humanitaire et l’Action Désintéressée (J.I.H.A.D), ils n’ont pas manqués d’attirer l’attention et la police s’est rapidement intéressée à eux. Après une fouille des bagages, la saisie de plusieurs livres pieux, les inspecteurs ont également perquisitionné dans les logements qui venaient d’être quittés. Youssouf reconnait qu’il s’y trouvait encore quelques petites choses pas très légales, 30 kg de cannabis, deux Kalachnikov, quelques dagues et poignards mais c’était à cause des limitations de poids des bagages que tout n’avait pas pu être emporté. Il aurait fallu prendre des billets en classe supérieure mais pour un petit budget comme le leur, essentiellement pris dans l’argent donné par le Qatar pour rénover le quartier, c’était une dépense excessive.

Interrogé pendant plusieurs jours par les enquêteurs, Youssouf a nié toute implication dans un quelconque mouvement terroriste et s’est seulement plaint de ces grèves à répétition qui paralysent le pays et met à mal l’économie. Les deux jeunes filles, mineures, qui accompagnaient le groupe, ont été rendues à leurs parents, déçues également de n’avoir pu aller visiter la Syrie à cause de cette grève des pilotes. Le mot de la fin revient à Youssouf : «La France, un pays qui ne retient pas ses jeunes scientifiques qui partent à l’étranger mais empêchent les jihadistes de quitter le pays.» Il a décidé de se plaindre auprès de Manuel Valls.