Brest – Alphonse n’est pas du genre à s’en laisser compter, même lorsque c’est par un plus gros que lui, et il a décidé de ne plus accepter le bruit et les odeurs de kérosène lui gâcher la vie, surtout lorsqu’il est bien tranquille chez lui, dans sa ferme, à profiter de la fraicheur et du calme matinal et qu’un gros appareil vient régulièrement survoler son lopin de terre.

Ce matin-là, il avait tout prévu. Il avait chargé ses deux fusils de chasse avec des cartouches de 12 à gros grains, de la chevrotine à gros gibier, était monté sur l’éolienne offerte par la cellule du parti EELV Bretagne ‘Cochons Vivra’ et s’était placé en position d’attente, bien certain qu’il n’allait pas devoir patienter trop longtemps. Le travail d’épandage du lisier était fini depuis belle lurette et la campagne environnante empestait de cette odeur putride que les parisiens connaissent bien dès lors qu’ils quittent l’autoroute. Mais si on ne faisait rien, ce serait bientôt la puanteur des gaz d’échappement de ces maudits avions qui viendrait gâcher l’odorat. Quand il vit deux phares, loin et haut dans le ciel clair de cette matinée sans nuage, Alphonse savait qu’il n’avait plus longtemps à attendre et que son heure de gloire sonnerait d’ici peu de temps. L’Airbus A330 d’Air France, rebaptisé HOP! pour faire moderne, était en approche de l’aéroport de Brest-Guipavas, aligné sur l’ILS, et allait dans quelques secondes passer à la verticale de la position d’Alphonse. Sans hésitation, ce dernier a alors tiré ses deux coups de chevrotine au moment où le nez de l’appareil passait quasiment à la verticale de son éolienne. L’avion ne s’est bien évidemment pas arrêté et a continué à la même vitesse, au moins aussi rapidement que lorsque le sous-préfet s’était ramassé la même chose en septembre dernier après la manifestation des agriculteurs ou même encore plus vite qu’un énarque ne remplit une fausse facture. Alphonse n’était pas certain d’avoir touché l’engin volant mais au moins, il était satisfait d’avoir pu exprimer son mécontentement. Et HOP! un de plus en moins.

Les pilotes de l’Airbus ont demandé un atterrissage d’urgence à moins d’un nautique de l’entrée de piste après avoir percuté quelque chose d’inconnu qui a complètement étoilé le pare-brise du pilote. L’avion s’est posé sans incident et les techniciens sont restés perplexes lorsqu’ils ont pu examiner le radome et les pare-brise du poste de pilotage. Les impacts ressemblaient à de la grêle mais sans aucun nuage ce matin-là, il fallait très certainement trouver un autre phénomène pour expliquer les dégâts.