Roissy – Ariane n’en revient toujours pas de la décision qui a été prise de mettre fin à son contrat de travail à l’accueil principal de l’aéroport international de Roissy 1 où elle était chargée de diffuser au micro les différentes annonces d’embarquement des vols de la journée, en français et en anglais.

Lorsqu’elle a reçu sa lettre de convocation à un entretien préalable à son licenciement, elle n’avait aucune idée des raisons qui poussaient sa direction à se séparer d’elle et pensait qu’elle avait sans doute fait des erreurs qui avaient conduits des passagers à rater leurs vols. L’année dernière, Maguy, une autre employée de l’accueil, tout comme elle, après deux verres de vins à la cantine, avait involontairement mélangé, tout une après-midi, les vols et les portes d’accès, provoquant la plus grande confusion de tous les temps sur l’aéroport. La direction avait été obligée de prétexter une panne d’informatique pour éviter les récriminations des passagers et des compagnies aériennes et s’était alors séparée de Maguy en quatrième vitesse. Mais Ariane ne buvait jamais une goutte d’alcool et ne se souvenait pas de s’être trompée, du moins, récemment. C’est alors que le DRH lui a asséné un motif auquel elle ne se serait jamais attendu. Ses collègues se sont plaints qu’elle parlait trop bien au micro et que tous les passagers, français et étrangers, comprenaient du premier coup ses paroles. Les autres comptoirs de renseignements se sont émus de ne plus avoir quiconque venir les solliciter, les responsables des boutiques ont pesté que les passagers, à la recherche de la bonne porte, ne passaient plus plusieurs fois devant leurs vitrines et les services de contrôle à l’embarquement se sont retrouvés submergés par des voyageurs qui ne se perdaient plus dans les couloirs à monter et descendre tous les escalators de tous les étages avant de trouver leur chemin. Ariane s’est vue reprocher une totale désorganisation de l’aéroport à cause de sa compétence et que la direction de Roissy ne voulait pas risquer des mouvements d’humeur du personnel si elle continuait à œuvrer aussi parfaitement.

L’aéroport de Roissy 1 avait été spécialement conçu en rond, pour que les passagers se rendant aux avions, croisent les imposantes files d’attente des comptoirs d’embarquement avant de pouvoir se diriger vers les portes d’accès, placées à l’exacte opposée de l’escalator qui doit permettre de rejoindre la salle d’attente. C’est l’image même du bordel à la française qu’Ariane était en train de saborder. Il n’était donc pas envisageable qu’elle puisse continuer son œuvre destructrice.